Siemens Energy confirme avoir appelé l’Etat allemand à la rescousse. Le deuxième plus gros fabricant mondial d’éoliennes, via sa filiale Siemens Gamesa, plonge de 40% à la Bourse de Francfort, du jamais vu, après avoir prévenu qu'elle prévoyait des pertes plus importantes que les anticipations du marché pour son activité de turbines en 2024 (sachant que les consensus Bloomberg et FactSet indiquent que les analystes attendaient non pas des pertes mais des bénéfices).
En plus de l’augmentation du coût de l’acier et des taux d’intérêt élevés qui affectent le danois Vestas, leader mondial, ainsi que tous les acteurs du secteur, l’entreprise est confrontée à des problèmes de qualité pour ses turbines éoliennes terrestres 5.X. Des problèmes de vibrations avaient été détectés au printemps et, après un examen approfondi, le dirigeant de Siemens Gamesa, Jochen Eickholt, avait indiqué en juin que « les résultats sont encore pires que ce que j'aurais pu imaginer. » Il était question d'un « taux de défaillance [de composants] significativement accru. »
Siemens Energy a déclaré aujourd’hui que les prises de commandes et que le chiffre d'affaires de Siemens Gamesa pour l'exercice 2024 devraient être inférieurs aux prévisions des analystes financiers, et que les sorties de trésorerie, elles, seront plus élevées. Elle a stoppé les prises de commandes pour sa plateforme 5.X, a-t-elle prévenu ce matin.
Cette semaine, l’agence d’informations financières Bloomberg rapportait que, si Siemens Energy travaillait toujours à la réparation de sa turbine terrestre 5.X, le groupe envisageait aussi de concevoir une nouvelle turbine. « Si cela se confirme, il s'agirait d'un coup dur. Elle serait très coûteuse (jusqu'à 1 milliard d'euros ?) et écarterait probablement le groupe du marché de l'éolien terrestre pendant plus de 18 mois », s’inquiétait hier l’analyste Gael de-Bray, chez Deutsche Bank. L’information l’a poussé à réduire son objectif de cours de 17 à 13 euros, tout en maintenant sa recommandation à « conserver ».
Ce matin, ses actions sont tombées à un nouveau plus bas historique, à 6,402 euros.
« Nous continuons de penser que Siemens Energy doit vendre des actifs et lever des fonds propres pour renforcer son bilan en prévision d'éventuelles provisions supplémentaires et de la normalisation du besoin en fonds de roulement », estimait hier Gael de-Bray.
Communication d’urgence
Pour renforcer son bilan, l’entreprise munichoise a fait savoir après l’ouverture de la Bourse qu'elle évaluait diverses mesures et a confirmé les informations parues plus tôt dans la presse allemande qu'elle était notamment en pourparlers préliminaires avec le gouvernement pour obtenir des garanties qui lui serviront à prendre en charge des commandes pour des projets plus longs, en particulier dans le domaine du gaz et de l'électricité. C’est de la branche « Gas & Power » qu’elle tire les deux tiers de son chiffre d’affaires. Et le conglomérat Siemens AG, qui détient près d’un quart de Siemens Energy, ne veut plus fournir davantage de garanties, selon Bloomberg qui cite des personnes familières de la question.
Les hebdomadaires WirtschaftsWoche et Spiegel rapportaient tôt ce matin que l'entreprise, craignant d'avoir du mal à obtenir le soutien des banques, avait contacté le gouvernement pour obtenir des garanties de plusieurs milliards d’euros : jusqu’à 15 milliards, selon WirtschaftsWoche.
En août, l'entreprise avait déclaré que les problèmes croissants liés aux turbines défectueuses et des contrats non rentables devraient se traduire par une perte nette de 4,5 milliards d'euros cette année. Les contrats publics ont été signés avant la flambée des prix des prix des matières premières et doivent maintenant être honorés sur des bases de coûts bien supérieurs.
L’aventure éolienne en Allemagne, qui se voulait formidable pour gérer l’après-charbon, la diversification de l’économie et une source de croissance future, tourne à la débâcle. Siemens Energy a perdu 70% de sa valeur depuis son introduction en Bourse en septembre 2020 à 22,01 euros. Pourtant, la demande est forte dans un monde qui cherche à se décarbonner.
Le plan d'action de l'Union européenne pour verdir son énergie « ne prévoit que peu ou pas de soutien monétaire supplémentaire pour l'industrie et s'abstient d'introduire des mesures préventives contre les concurrents chinois », se désolait ce matin un analyste de la banque Barclays.