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Un regard lucide sur la PPE3 : l’analyse implacable de Xavier Moreno

Un regard lucide sur la PPE3 : l’analyse implacable de Xavier Moreno

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 Lettre de la Fédération Environnement Durable 
26 août 2025


Un regard lucide sur la PPE3 : l’analyse implacable de Xavier Moreno

La Fédération Environnement Durable salue la tribune publiée par Xavier Moreno dans Le Figaro, qui apporte un éclairage stratégique capital sur les dérives du projet PPE3 et notamment l'éolien.

Ingénieur polytechnicien, ancien dirigeant d'entreprises industrielles et président du think tank CEREME (Cercle d’étude réalités écologiques et mix énergétique), Xavier Moreno est l’un des rares experts à articuler avec rigueur vision industrielle, exigence écologique et cohérence économique.

Son texte met en évidence, chiffres à l’appui, l’absurdité des investissements prévus dans l’éolien offshore et terrestre. Il confirme ce que la FED dénonce depuis des années : une politique énergétique guidée par les injonctions d’un lobby industriel, non par les besoins réels du pays.

Face à une France déjà largement décarbonée, et à une électricité excédentaire, cette fuite en avant technocratique est non seulement inefficace, mais dangereuse pour notre souveraineté et notre industrie.

Nous invitons tous les élus, acteurs publics et citoyens à prendre connaissance de cette analyse. Elle est un outil précieux pour refuser une programmation énergétique aussi irréaliste que ruineuse

Jean-Louis Butré
Président – Fédération Environnement Durable



TRIBUNE - L’investissement massif dans l’éolien prévu par le projet de décret PPE3 s’explique moins par les besoins de production en électricité que par les exigences des industriels du secteur, estime le président du Cérémé*. Un investissement discutable qui rappelle les ateliers nationaux de 1848.

* Ingénieur polytechnicien, Xavier Moreno est président du think-tank Cérémé (Cercle d’étude réalités écologiques et mix énergétique).

C août 2025
Confronté à un fort chômage après la révolution de 1848, le gouvernement provisoire décida de créer des ateliers nationaux, qui embauchèrent jusqu’à 100.000 chômeurs, payèrent les salaires avec le budget de l’État et les employèrent principalement à l’amélioration des infrastructures ferroviaires. L’expérience prit fin au bout de quatre mois, débordée par l’afflux de candidats et victime d’un changement de majorité politique.

Quand le ministre de l’Énergie défend l’urgence du projet de décret de programmation pluriannuelle de l’énergie, non pour les besoins d’une France en surproduction durable d’électricité, mais parce que « la filière industrielle » a besoin de la garantie de l’État pour se développer, il réinvente des « ateliers nationaux de l’énergie ».

Concrètement, le projet de décret PPE3 prévoit d’engager la garantie financière de l’État pour 13,4 GW d’éolien en mer et 4 GW à terre, ce qui représente près de 60 milliards d’euros d’investissement, raccordements compris. Avec à la clé, nous dit-on, 10.000 emplois, de montage principalement, car tous les équipements essentiels sont importés.

Cela revient à demander au contribuable et au consommateur d’électricité d’accepter de garantir pour vingt ans la rentabilité d’investissements de 6 millions d’euros par emploi créé, en vue de produire une électricité intermittente dont le besoin n’est pas avéré ! On peut discuter du détail des chiffres mais pas des ordres de grandeur.

Au-delà de quelques milliers d’emplois temporaires de montage, les milliards engouffrés dans l’éolien et le solaire ne préparent en réalité aucun avenir industriel à long terme pour la France.

Or ces mêmes contribuables et consommateurs payent déjà la facture des garanties de prix (CSPE, contribution au service public de l’électricité) anciennes données aux producteurs éoliens et photovoltaïques qui, d’après la Commission de régulation de l’énergie (CRE), va passer de 10,9 milliards pour 2025 à 12,9 milliards pour 2026, sans prendre en compte des projets en cours d’instruction.

Quand on sait que les contraintes budgétaires ont imposé une diminution des crédits consacrés à la décarbonation des trois secteurs responsables de 70 % des émissions de CO2 de la France, les transports, l’industrie, le logement et le tertiaire, on en déduit que, face aux pressions d’une filière industrielle très influente, le climat n’est plus la priorité du gouvernement

De même, quand on pense au soin que met France 2030 à sélectionner les entreprises technologiques qui vont bénéficier d’aides de l’État pour créer les « emplois d’avenir », on ne peut qu’être choqué de la légèreté avec laquelle des fonds publics vont être alloués à une filière de pur montage d’équipements importés, sans aucune analyse préalable de marché, de concurrence et d’avantage compétitif, qui donnerait la possibilité de mesurer les chances que ces dizaines de milliards de commandes publiques permettent le développement à long terme d’une industrie d’équipements compétitive, localisée en France, exportatrice et qui ne soit pas balayée par la concurrence chinoise, ou celle des quelques industriels non chinois, qui dominent de manière écrasante les marchés mondiaux de l’éolien et des panneaux photovoltaïques. C’est sans doute parce que la conclusion va de soi que les services du ministère de l’Industrie ont renoncé à faire ce type d’analyses.

À lire aussi «Le rejet des projets éoliens dépasse les clivages politiques et sociologiques» 

Au-delà de quelques milliers d’emplois temporaires de montage, les milliards engouffrés dans l’éolien et le solaire ne préparent en réalité aucun avenir industriel à long terme pour la France. Pire, ils vont doublement manquer aux vraies industries d’avenir car, sous l’effet de ces nouveaux « ateliers nationaux », les dotations budgétaires de France 2030 vont se réduire encore et le prix de l’électricité payé par les entreprises va continuer d’augmenter.

Est-ce une politique raisonnable de la part d’un ministre chargé à la fois de l’énergie et de l’industrie ?

Ceux de nos concitoyens qui ont encore une image positive de l’éolien et du solaire savent-ils que la France est déjà suréquipée en panneaux photovoltaïques et en éoliennes terrestres ou maritimes ? Que, lorsque le vent souffle et le soleil brille, leur capacité totale est déjà équivalente à la puissance de quarante-cinq réacteurs nucléaires. Et que si les préfets autorisent tous les projets en instruction, il y en aura l’équivalent de quarante réacteurs en plus ? Comme le signalait une haute autorité de l’État dans l’énergie, pour tirer la sonnette d’alarme, avec une puissance potentielle solaire et éolienne équivalente à quatre-vingt-cinq réacteurs nucléaires, l’électricité qui va se déverser sur le réseau forcera l’arrêt de tout ou partie des cinquante-six réacteurs en fonctionnement ! Et ceci sans inclure les nouveaux champs que le projet de décret PPE3 prévoit d’ajouter.

En un mot, trop d’électricité éolienne et solaire ne sert à rien dans un pays dont l’électricité est déjà surabondante et décarbonée à 90 %. Lancer prématurément et à grande échelle de nouveaux projets, sans avoir apporté la preuve de leur urgence, ni de leur utilité économique est injustifiable.

Les responsables publics qui veulent entraîner la France dans cette impasse mesurent-ils leur responsabilité ?




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