C août 2025
Confronté à un fort chômage après la révolution de 1848, le gouvernement provisoire décida de créer des ateliers nationaux, qui embauchèrent jusqu’à 100.000 chômeurs, payèrent les salaires avec le budget de l’État et les employèrent principalement à l’amélioration des infrastructures ferroviaires. L’expérience prit fin au bout de quatre mois, débordée par l’afflux de candidats et victime d’un changement de majorité politique.
Quand le ministre de l’Énergie défend l’urgence du projet de décret de programmation pluriannuelle de l’énergie, non pour les besoins d’une France en surproduction durable d’électricité, mais parce que « la filière industrielle » a besoin de la garantie de l’État pour se développer, il réinvente des « ateliers nationaux de l’énergie ».
Concrètement, le projet de décret PPE3 prévoit d’engager la garantie financière de l’État pour 13,4 GW d’éolien en mer et 4 GW à terre, ce qui représente près de 60 milliards d’euros d’investissement, raccordements compris. Avec à la clé, nous dit-on, 10.000 emplois, de montage principalement, car tous les équipements essentiels sont importés.
Cela revient à demander au contribuable et au consommateur d’électricité d’accepter de garantir pour vingt ans la rentabilité d’investissements de 6 millions d’euros par emploi créé, en vue de produire une électricité intermittente dont le besoin n’est pas avéré ! On peut discuter du détail des chiffres mais pas des ordres de grandeur.
Au-delà de quelques milliers d’emplois temporaires de montage, les milliards engouffrés dans l’éolien et le solaire ne préparent en réalité aucun avenir industriel à long terme pour la France.
Or ces mêmes contribuables et consommateurs payent déjà la facture des garanties de prix (CSPE, contribution au service public de l’électricité) anciennes données aux producteurs éoliens et photovoltaïques qui, d’après la Commission de régulation de l’énergie (CRE), va passer de 10,9 milliards pour 2025 à 12,9 milliards pour 2026, sans prendre en compte des projets en cours d’instruction.
Quand on sait que les contraintes budgétaires ont imposé une diminution des crédits consacrés à la décarbonation des trois secteurs responsables de 70 % des émissions de CO2 de la France, les transports, l’industrie, le logement et le tertiaire, on en déduit que, face aux pressions d’une filière industrielle très influente, le climat n’est plus la priorité du gouvernement.
De même, quand on pense au soin que met France 2030 à sélectionner les entreprises technologiques qui vont bénéficier d’aides de l’État pour créer les « emplois d’avenir », on ne peut qu’être choqué de la légèreté avec laquelle des fonds publics vont être alloués à une filière de pur montage d’équipements importés, sans aucune analyse préalable de marché, de concurrence et d’avantage compétitif, qui donnerait la possibilité de mesurer les chances que ces dizaines de milliards de commandes publiques permettent le développement à long terme d’une industrie d’équipements compétitive, localisée en France, exportatrice et qui ne soit pas balayée par la concurrence chinoise, ou celle des quelques industriels non chinois, qui dominent de manière écrasante les marchés mondiaux de l’éolien et des panneaux photovoltaïques. C’est sans doute parce que la conclusion va de soi que les services du ministère de l’Industrie ont renoncé à faire ce type d’analyses.
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Au-delà de quelques milliers d’emplois temporaires de montage, les milliards engouffrés dans l’éolien et le solaire ne préparent en réalité aucun avenir industriel à long terme pour la France. Pire, ils vont doublement manquer aux vraies industries d’avenir car, sous l’effet de ces nouveaux « ateliers nationaux », les dotations budgétaires de France 2030 vont se réduire encore et le prix de l’électricité payé par les entreprises va continuer d’augmenter.
Est-ce une politique raisonnable de la part d’un ministre chargé à la fois de l’énergie et de l’industrie ?
Ceux de nos concitoyens qui ont encore une image positive de l’éolien et du solaire savent-ils que la France est déjà suréquipée en panneaux photovoltaïques et en éoliennes terrestres ou maritimes ? Que, lorsque le vent souffle et le soleil brille, leur capacité totale est déjà équivalente à la puissance de quarante-cinq réacteurs nucléaires. Et que si les préfets autorisent tous les projets en instruction, il y en aura l’équivalent de quarante réacteurs en plus ? Comme le signalait une haute autorité de l’État dans l’énergie, pour tirer la sonnette d’alarme, avec une puissance potentielle solaire et éolienne équivalente à quatre-vingt-cinq réacteurs nucléaires, l’électricité qui va se déverser sur le réseau forcera l’arrêt de tout ou partie des cinquante-six réacteurs en fonctionnement ! Et ceci sans inclure les nouveaux champs que le projet de décret PPE3 prévoit d’ajouter.
En un mot, trop d’électricité éolienne et solaire ne sert à rien dans un pays dont l’électricité est déjà surabondante et décarbonée à 90 %. Lancer prématurément et à grande échelle de nouveaux projets, sans avoir apporté la preuve de leur urgence, ni de leur utilité économique est injustifiable.
Les responsables publics qui veulent entraîner la France dans cette impasse mesurent-ils leur responsabilité ?