Première en France : la justice ordonne la démolition de sept éoliennes au nord de Montpellier

C'est une première en France : la cour d'appel de Nîmes, statuant au civil, a ordonné la démolition des sept éoliennes ERL du parc de Bernagues, à Lunas, au nord de Montpellier.

Le combat des associations qui veulent la démolition des sept éoliennes de Lunas
Le long combat des associations pour la démolition des sept éoliennes de Lunas a payé (©Facebook)
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C’est une première en France : la cour d’appel de Nîmes -Gard-, saisie par la Cour de cassation et statuant au civil, a ordonné la démolition des sept éoliennes du parc de Bernagues, dans le massif de l’Escandorgue, dans la commune de Lunas, au nord de Montpellier, dans l’Hérault. C’est aussi une victoire historique pour les opposants à la SARL Énergie Renouvelable du Languedoc -ERL- basée à Montpellier et exploitante du parc éolien, après un combat judiciaire acharné.

« Les opposants du collectif pour la protection des paysages et de la biodiversité du 34-12 et l’association nationale agréée pour l’environnement « Sites et Monuments », après avoir déjà gagné en cassation avec un arrêt de la cour d’appel de Montpellier qui a été cassé, ont été renvoyés devant la cour d’appel de Nîmes pour un arrêt sur le fond. Aujourd’hui, la cour d’appel fait droit à notre demande de démolition du parc éolien et de remise en état des lieux. La société ERL a désormais un délai de quinze mois pour démolir ses machines qui ont provoqué le décès d’espèces protégées sous astreinte de 3 000€ par jour pendant 180 jours. Cette affaire nationale et symbolique servira d’exemple pour d’autres promoteurs éoliens, à savoir ne pas s’empresser d’implanter ses machines sans attendre l’issue du recours des associations, tant que la société n’a pas obtenu définitivement son permis ou son autorisation », réagit Marjolaine Villey-Migraine, porte-parole du Collectif 34-12, basé à Lodève.

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Dans son arrêt de dix-sept pages, les juges nîmois rejettent toutes les demandes de la société Énergie Renouvelable du Languedoc et confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier du 19 février 2021, que la cour d’appel de Montpellier avait annulé le 21 juin 2021, à tort pour la chambre civile de la Cour de cassation en date du 11 janvier 2023, qui a donc saisi les juges de Nîmes pour qu’ils appliquent le droit.

Un permis de construire en 2013

Rappel de la procédure : dans son arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier en retenant que le préfet de l’Hérault avait délivré, le 24 avril 2013, à la société Énergie Renouvelable du Languedoc de Montpellier un permis de construire pour édifier sept aérogénérateurs et un poste de distribution sur la commune de Lunas, que la société a déposé une déclaration d’ouverture de chantier en mairie le 30 juin 2015 et une déclaration d’achèvement des travaux et de leur conformité avec le permis de construire le 26 février 2016 ; que le préfet de l’Hérault a délivré un certificat de conformité le 19 juillet 2016, mais que par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le permis en raison d’une insuffisance de l’étude d’impact, le pourvoi contre cette décision ayant été rejeté ; que dès lors l’association Vigilance patrimoine paysager et naturel et l’association pour la Protection des paysages et ressources de l’Escandorgue et du Lodevois ont assigné la société Énergie Renouvelable du Languedoc en dommages et intérêts, avec l’association pour la Protection des paysages et de l’esthétique de la France.

Un couple d’aigles royaux 

« En droit, la Cour de cassation retient qu’il résulte que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé pour excès de pouvoir dès lors que le demandeur démontre un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation de la règle ; que la cour administrative d’appel a considéré qu’il y avait une insuffisance d’étude d’impact relativement à la présence d’un couple d’aigles royaux dans le massif de l’Escandorgue et qu’en considérant que la construction du parc n’avait pas été édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme ou de servitudes d’utilité publique, règles de fond et non simples règles de procédure, la cour d’appel a violé ces textes », écrit la chambre civile de la cour d’appel de Nîmes.

Espace du patrimoine naturel, culturel et montagnard 

Les juges relèvent également que la Cour de cassation considère que la condamnation à démolir une construction, dont le permis a été annulé en méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l’intérieur de l’une des zones en question, sans qu’il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone. Le parc éolien a été édifié dans un espace du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionné dans le code de l’urbanisme identifié dans le périmètre d’une servitude relative aux installations classées pour la protection de l’environnement et dans un secteur délimité par le plan local d’urbanisme.

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Lors de l’audience, les avocats d’ERL ont notamment plaidé que le tribunal a ordonné la démolition en 2021 sans établir le préjudice résultant du manquement consistant dans l’insuffisance de l’étude d’impact et que, désormais, une étude d’impact est produite et qu’il n’y a plus de méconnaissance de  cette obligation, exposant qu’il n’y a pas eu d’atteinte à l’environnement, ni disproportionnée prouvée à la biodiversité, la mort d’un sujet ne caractérisant pas la nécessité d’une dérogation, observant que la démolition serait disproportionnée.

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Violation d’une règle d’urbanisme

Les défenseurs des associations ont assuré qu’il y a bien eu violation d’une règle d’urbanisme dès lors que l’instruction du permis de construire s’est faite au vu d’une étude d’impact insuffisante, cette étude constituant une pièce du dossier d’ensemble de la procédure administrative en vue de l’autorisation du projet avec pour but d’éclairer l’administration sur les suites à donner au regard des enjeux environnementaux et de santé humaine, soulignant que la société ERL a ignoré la présence du couple d’aigles royaux, ce qui l’a dispensée de demander la dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées du code de l’environnement et dès lors également qu’il y a un préjudice personnel subi par elles dans la mesure où leur objet consiste à préserver les patrimoines naturels culturels et touristiques ainsi que la biodiversité, ce qui inclut la préservation de la faune et la défense du patrimoine environnemental dont font partie les aigles royaux, relevant des incidents pour la faune n’ayant cessé de se répéter. 

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Le 14 janvier 2020, une aile de vautour moine a été retrouvée sur le site par le bureau d’études Altifaune, lequel a évalué, au titre du suivi environnemental de l’année 2020 et à partir d’un calcul d’extension compte tenu de la disparition des cadavres et de la fréquence des visites sur place, une mortalité de 147 oiseaux et 10 chiroptères par éolienne, soit pour l’ensemble du parc qui compte sept éoliennes, une mortalité de 1 099 sujets, cette situation étant notée en augmentation par rapport à 2019, où les visites s’étaient arrêtées en juillet, mais cohérentes avec celles de 2017 et 2018.

Un aigle royal décédé après avoir percuté une pale d'une éolienne à Lunas
Un aigle royal décédé après avoir percuté une pale d’une éolienne à Lunas (©Collectif 34-12)

La mort du vautour a d’ailleurs conduit le préfet à prendre un arrêté le 12 mars 2020 ordonnant l’arrêt du fonctionnement diurne de toutes les installations en considération notamment de ce que les mesures de l’exploitant n’avait pas “permis d’éviter la mortalité”. Enfin, le cadavre d’un aigle royal a été retrouvé le 16 janvier 2023 sous l’éolienne numéro 2.

La réaction du Collectif TNE Occitanie

Le Collectif régional Toutes nos énergies -TNE Occitanie Environnement- salue « l’opiniâtreté des associations qui se battent depuis plus de dix ans, avec l’avocat montpelliérain Nicolas Gallon, pour empêcher la construction, puis les faire démanteler. « Cette affaire nationale et symbolique devrait servir d’exemple pour d’autres promoteurs d’EnR industrielles, à savoir : ne pas s’empresser d’implanter leurs  machines sans attendre l’issue du recours des associations, et tant qu’ils n’ont pas obtenu définitivement permis ou autorisation ; rien ne devrait se construire tant que les instructions de justice ne sont pas terminées », déclare Jean Pougnet un des responsables du TNE, collectif régional Toutes Nos Energies Occitanie Environnement qui réunit une centaine de fédérations départementales, collectifs et associations de la région, qui agissent pour la qualité de vie des habitants et la protection de l’environnement, pour une transition écologique et énergétique solidaire et respectueuse des territoires ruraux.

Cet arrêt inédit en France à l’heure où les projets d’implanter des parcs éoliens terrestres sont programmés dans certaines régions constitue incontestablement une jurisprudence. Et un sérieux avertissement pour respecter la loi.

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